Pékin est désormais le premier partenaire commercial du continent. Malgré les innombrables rumeurs sur ses méthodes et ses intentions, la réalité est plus contrastée qu’on ne veut bien le voir.
Si la présence chinoise sur le continent n’est pas nouvelle, elle a pris une ampleur colossale au cours de la dernière décennie. Les échanges avec l’empire du Milieu ont été multipliés par douze en dix ans. Après être devenu le premier partenaire commercial de l’Afrique en 2009, Pékin a gagné le titre de premier bailleur de fonds, annonçant, lors du cinquième sommet Chine-Afrique, qui s’est tenu dans la capitale chinoise les 19 et 20 juillet 2012, qu’il allait porter le montant des prêts au continent à 20 milliards de dollars (16,3 milliards d’euros) pour les trois années à venir.
L’émergence du géant asiatique suscite d’ailleurs des réactions contrastées, allant de l’accusation de pillage à l’espoir. Ainsi la Chine a-t-elle été soupçonnée d’acheter massivement des terres en Afrique ; en fait, l’appétit de cet « ogre » n’excède pas 4 % des accaparements fonciers au sud du Sahara. Ainsi chacun a-t-il entendu ces histoires de « prisonniers » chinois envoyés bâtir des routes en Afrique ; histoires qui n’ont été étayées d’aucune preuve, mais qui ont encore de beaux jours devant elles. Cette profusion d’informations sur la « Chinafrique », souvent imprécises, parfois erronées, souligne un fait majeur : les motivations des investisseurs chinois, leurs modalités d’action et l’impact de leur présence sont encore mal compris.
Main tendue à l’Afrique
La présence de la Chine en Afrique a tout d’abord été politique. Car, comme le confie un conseiller du ministre béninois de l’Industrie, « personne en Afrique ne refusera la main tendue de la Chine, quels que soient les intérêts qu’elle sert et les conditions imposées… Il y a bien trop d’argent en jeu et les investisseurs sont encore rares ». Un constat d’autant plus pertinent qu’Européens et Américains, touchés par la crise, se replient.
Dans certains pans de l’économie, la Chine s’est rendue incontournable, remportant notamment une grande part des contrats de construction (routes, ponts, aéroports, lotissements…). En la matière, elle œuvre dans des délais et à des coûts imbattables. En échange des prêts à taux concessionnels qu’il octroie à ses partenaires pour financer les projets, l’empire du Milieu signe des contrats d’approvisionnement en matières premières très prolifiques. C’est ce qu’il nomme une stratégie « gagnant-gagnant ». De fait, la carte des investissements chinois en Afrique épouse, dans une large mesure, celle des ressources naturelles les plus précieuses. Le Soudan, l’Angola et le Nigeria (pétrole), l’Afrique du Sud (charbon, platine), la RD Congo et la Zambie (cuivre et cobalt) sont devenus les partenaires privilégiés du géant asiatique.
La Chine n’hésite pas à mettre les moyens de ses ambitions sur la table, au mépris du risque de réendettement des pays concernés. Les 6 milliards de dollars de prêt accordés par Pékin à Kinshasa en 2007 ont ainsi fait grincer des dents au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, alors qu’un allègement de 80 % de la dette extérieure de ce pays fragile – soit 12 milliards de dollars – était en préparation. Côté africain, la Chine est souvent plébiscitée, car son offensive brise le monopole des firmes européennes, créant une profitable concurrence.
Dans certains secteurs comme le textile, l’arrivée des Chinois a cependant quasiment réduit à néant l’effort d’industrialisation. Ainsi, en Afrique du Sud, au Lesotho ou au Nigeria, les ateliers de confection se heurtent désormais à la concurrence frontale des métiers à tisser de Shanghai. En une décennie à peine, le déficit commercial de l’Afrique avec la Chine dans le domaine du textile est passé de 200 millions à 1,35 milliard de dollars. En dépit des coûts de transport, les produits chinois demeurent en effet plus compétitifs.
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